Histoire du refuge du Sudel

Les bâtiments actuels du refuge sont les vestiges d’une ancienne métairie qui s’étalait sur le massif du Sudel. L’exploitation agricole, d’une surface de 144 hectares, comprenait une étable avec maison d’habitation, une autre demeure d’habitation pour la saison hivernale dans le vallon du Diefenbach en contre-bas, des pâturages, des forêts, des jardins, des prés et des champs.  Voici son histoire :

 

Une belle exploitation agricole

En 1791, la municipalité de la ville de Soultz décide de la construction de la métairie du « Neue Glasshütte ». Elle se situera entre la métairie de la  « Alte Glasshütte » (la Ferme-Auberge de la Glashutte actuelle) et la métairie du Kohlschlag, appartenant toutes les deux à la ville de Soultz.  Les bâtiments comprendront une habitation et une longue étable. Dans les années qui suivent, cette nouvelle exploitation sera nommée « métairie du Sudel».

 

Une carte topographique datée du 21 prairial de l’an 9 (1801), précise explicitement les limites des pâturages du Sudel qu’exploitent les frères JAECKER.  En 1818, le métayer Antoine BORDENMAN annonce à la municipalité qu’il ne renouvellera pas son contrat de baillage.  En 1824, le métayer  Jean SCHNEBELLEN  s’engage à continuer les travaux de clôture. En 1831, une dispute éclate au grand jour entre le nouveau locataire, Joseph Klein, et les habitants du hameau de Diefenbach. Les cheptels des uns ou des autres n’hésitent pas à franchir les limites de leurs pâturages respectifs. Ces conflits semblent exister depuis la création de la nouvelle  métairie car dès 1808, la municipalité de Soultz a cru bon de  préciser dans son bail de location, les détails du cheptel que pouvait posséder le fermier du Sudel.

 

En 1832, une ordonnance royale satisfait les revendications des habitants de Wuenheim et prononce l’indépendance de cette commune qui n’était jusqu’à présent qu’une annexe de la ville de Soultz. On estima la valeur de chaque bien  et on les partagea dans la proportion de 1/6 pour Wuenheim et 5/6 pour Soultz. A cette époque, la métairie du Sudel était constituée de 3 bâtiments, de jardin ou chènevière, de prés et champs, et de pâturages et forêts. Le logement d’habitation, appelé « habitation d’été », était constitué d’une chambre, d’une cuisine, d’une fromagerie et d’un cellier. En plus de l’étable située dans le prolongement de la maison, la métairie possédait une habitation d’hiver près du hameau de Dieffenbach.  Le Sudel devint ainsi  la propriété de la toute jeune municipalité de Wuenheim.

 

Les baux se succèdent : en 1851, c’est Mr RISACHER Antoine qui obtient le fermage pour une durée de 9 années renouvelables. Il lui est stipulé que lui et sa famille, doivent habiter la ferme en été et la faire garder en hiver. De plus, il a obligation de planter 150 cerisiers et il lui est interdit d’élever des chèvres.

 

Depuis l’année 1862 et jusqu’au début de la Grande guerre, la municipalité investira beaucoup d’énergie dans le développement de la métairie : En 1862-1863, on reconstruit 815 mètres de clôture de pâturage et on décide d’en créer 1440; puis on rebâti une partie des murs de l’étable entre 1864 et 1865. A partir de 1881,  c’est surtout l’habitation hivernale, dans le vallon du Dieffenbach, qui va profiter de cette croissance : on projette la construction d’un grand hangar (« eines Schoppens  auf dem Sudel») de 9 mètres de long et 8 mètres de large sur 2 niveaux, de faire des adductions d’eau, de dévier le ruisseau (« eines Durchlasses »), de construire une nouvelle habitation (« eines Oekonomiegebaudes ») de 10 mètres sur 14 mètres avec étage…

 

Le déclin après la guerre 1914-18

Les baux de la ferme du Sudel semblent se succéder assez paisiblement jusqu’à la guerre 1914-18 qui ravage le massif qui se transforme en champ de bataille: les arbres sont mitraillés, les obus labourent les pâturages, les tranchées et abris de bois se multiplient, le fil de fer recouvre la montagne, la forêt disparaît…  A partir de 1916, la partie orientale de la montagne abrite de longs souterrains et se couvre progressivement d’abris bétonnés. A l’armistice, lorsque les survivants des deux camps retournent dans leurs foyers, l’exploitation agricole est méconnaissable.

 

 

A partir de 1921, la municipalité tentera de reconstruire la métairie pour lui rendre sa vigueur d’autrefois. Il convient avant tout de remettre en état les sols des parcelles. Une entreprise de travaux public est employée pour combler les tranchées, enlever les réseaux de fils de fer, démolir les abris non bétonnées. Puis en 1927, le conseil municipal fait l’adjudication des travaux de reconstruction après avoir fait l’évaluation des dégâts de guerre. On en profite pour tenter d’améliorer les bâtiments de la ferme Sudel-Dieffenbach (agrandissement, projet d’électrification…).  En 1928, on élargit le chemin d’accès entre le village de Rimbach et la ferme hivernale. En 1932, on commence à reconstituer la forêt du Sudel dévastée par la guerre.  En 1933, on décide le recaptage des sources et le rétablissement des conduites d’amenée d’eau aux deux fermes… L’ensemble des travaux de reconstruction est terminé dix années plus tard, en 1938.

 

Dès 1928, pendant les travaux de reconstruction, un premier bail est signé pour une durée de 9 années. Il prend effet le 1 avril 1929 et se terminera le 31 mars 1938. Lorsque les délégués du conseil municipal font l’état de lieux en 1938, on constate la disparition d’objets et le vol de bois. La commune intente un procès au locataire pour d’importantes coupes de bois illicites en forêt… Le bail n’est pas reconduit.

 

Un autre bail est signé avec un nouveau locataire pour la période 1938 à 1947. Au cours de cette période, la municipalité doit faire face à de nombreux loyers impayés. Puis elle découvre l’existence d’une sous-location illicite faite par le locataire au profit du Ski Club de Soultz. Lorsqu’en fin de bail, on fait l’état des lieux, « la ferme est dans un état pitoyable et délaissée ». « Les lieux, pâturages et bâtiments sont dans un état lamentable malgré les protestations réitérées de la commune».  Le bail n’est pas reconduit et un autre locataire est trouvé pour la période 1947-1956, mais le locataire refuse de quitter les lieux. Craignant à nouveau des frais de procès exorbitants, la commune cherche une conciliation et l’affaire est portée devant le Tribunal paritaire des baux lequel accorde au fermier un sursis d’un an. Les anciens locataires s’engagent à quitter les lieux pour le 1 avril 1948.

 

La troisième période de location (1947-1956) semble plus calme et le locataire obtient une licence avec débit de boissons, mais la municipalité doit engager de nombreuses réparations.

 

 

Malgré tous les efforts de réhabilitation entrepris par la municipalité de Wuenheim depuis la fin de la guerre  pour rendre sa beauté à  la métairie du Sudel, celle-ci ne cessera de décroitre.  Le conseil municipal, au vu du bilan financier défavorable,  estime en 1955 que la commune ne pourrait que profiter d’un dessaisissement de cette propriété. L’exploitation agricole ne sera pas remise en location après le 31 mars 1956.  Le conseil municipal autorise le maire à engager les démarches nécessaires à la vente de ce domaine. En attendant le dessaisissement, on loue séparément la ferme du Sudel et la ferme du Diefenbach.

 

Un nouvel usage des lieux

En 1960, le prix de vente de la ferme du Sudel (maison, étable et 5 hectares de pâturage) est fixé à 10.000 francs. Ce prix est ramené à 7500 francs l’année suivante. Les éventuels acquéreurs estiment le prix trop élevé et la vente n’aboutit pas.

 

En 1961, l’habitation estivale du Sudel est louée comme abri de chasse pour une période de 9 années aux titulaires du lot de chasse. Elle prendra le nom « d’habitation des chasseurs » pour les habitués. La ferme hivernale du Diefenbach est occupée elle aussi par un nouveau locataire et ceci jusqu’en 1970. Après cette date elle est vendue et se transformera progressivement en auberge. En 1966, la commune informe un éventuel acheteur que la ferme estivale du Sudel n’est plus à vendre. Cette même année, un bail de location est établi au profit du 9ème Régiment de Génie cantonné à Neuf-Brisach pour une durée de 5 années. L’ancienne étable sera occupée par l’Armée du mois de novembre au mois d’avril inclus. Le commandant du régiment envisage de transformer l’étable en refuge à la disposition de ses troupes pour la pratique des sports d’hiver.  A la fin des travaux, la « bergerie » comprendra un dortoir, une entrée, une salle de réunion, une cuisine, une réserve de cuisine et un magasin de matériel. Ce bâtiment sera nommé « Le chalet du Sudel » par les militaires. Au cours de cette période, un troisième bail est signé avec une habitante de Rimbach pour la location de cette même étable du mois de mai au mois de septembre aux fins d’installer un débit de boisson pendant les mois d’été. L’année suivante, cette personne informe le maire de Wuenheim de la fin de son exploitation à la fin du mois de septembre 1969.  En 1970, le 9ème Régiment de Génie obtient la location à l’année des deux bâtiments (maison des chasseurs et chalet), avec une autorisation de sous-location partielle du chalet au profit de la commune de Riedisheim pour son corps enseignant et l’organisation de colonies de vacances pour les jeunes.

 

Ce bail ne sembla pas satisfaire la commune qui cherchera dès 1981 un nouveau locataire. Il semblerait que les activités militaires soient trop « polluantes » pour l’environnement. Les prétendants étaient assez nombreux, mais l’Armée essaya de renouveler le bail. Elle proposa la fin des activités militaires litigieuses et la construction d’une pièce de 2m60 de long dans le chalet, réservée aux chasseurs. Le Régiment obtient le renouvellement de sa location. Neuf années plus tard, le colonel commandant le régiment informe la Commune que le bail ne sera pas renouvelé pour des raisons purement militaires.  En 1991, la maison et le chalet sont loués à deux associations de Wuenheim, les « Randonneurs du Hartmannswillerkopf » et « Loisirs-Rencontre », qui se proposent de transformer le chalet en un lieu d’accueil convivial  pour les marcheurs dominicaux.

 

En 1992, pour faciliter la gestion du refuge et la coordination des travaux, est créé l’association « Les Amis du Sudel ».  

 

R. ACKER, Octobre 2015